ACAT-INFO Le magazine d’informations de l’ACAT. Des anniversaires de l’ACAT

Des anniversaires de l’ACAT

Alors que nous célébrons les 30 ans de l’ACAT Belgique francophone, l’ACAT France, notre aînée, fêtait à l’automne 2014 ses 40 ans, et l’ACAT Allemagne ses 30 ans.

Puissent leurs expériences nous inspirer et nous aider à souffler nos propres bougies!

L’ACAT France a 40 ans

La fondation de l’ACAT remonte à juin 1974, lorsque deux femmes protestantes, Édith du Tertre et Hélène Engel, décident de s’engager et de transmettre leur indignation devant la torture pratiquée au Vietnam.

Tout au long de l’année 2014, les groupes locaux de l’ACAT France ont pris des initiatives pour célébrer le 40ème anniversaire de l’association. Des événements nombreux et inspirés ont témoigné de leur engagement au service des droits de l’homme. Le point d’orgue, le grand rassemblement national, s’est déroulé à Paris le samedi 15 novembre 2014 autour du thème: «éradiquer la torture».

La journée a débuté par une belle célébration œcuménique en l’église Saint-Merri sous la présidence des représentants nationaux des confessions orthodoxe, protestante et catholique. Les participants étaient appelés à entendre le cri des torturés et la voix de Dieu qui vient à leur secours. Chants de Taizé, musique d’orgue, chœur orthodoxe en arabe ont merveilleusement soutenu la prière d’action de grâce et d’espérance de l’assemblée.

Le colloque s’est ensuite déroulé à l’Institut catholique de Paris. 300 membres de l’association, venus de toute la France, s’y sont retrouvés. A leurs côtés, des représentants des ACAT Suisse, Allemagne et Belgique francophone étaient présents et c’est Marlise Morgenschweis, de l’ACAT Allemagne, qui a félicité en notre nom l’ACAT France pour ce bel anniversaire et l’a remerciée pour sa vitalité, son dynamisme, le travail accompli, ainsi que pour le soutien apporté à toutes les autres ACAT.

Sylvie Bukhari de Pontual, présidente de la FIACAT, a pour sa part souligné l’importance du terme «éradiquer» dans le titre du colloque, et non seulement «abolir».

Là où l’abolition n’est qu’un terme juridique renvoyant à des textes, des signatures, des ratifications, des conférences…, l’éradication vise la mise à nant, la réduction à rien de la torture. Pour atteindre cet objectif, il faut plus qu’une volonté politique. Il faut un travail inlassable sur la conscience de chaque individu, une éducation, des informations et il faut ne jamais laisser s’installer un terreau favorable à l’acceptation de la torture.

Les cinq interventions ont montré, depuis des points de vue différents, le bilan et les perspectives du travail de défense des droits de l’homme à travers le monde et quel pouvait être l’apport spécifique d’une organisation comme l’ACAT.

Véronique Gaymard, journaliste à Radio France International, a exposé les contraintes qui s’imposaient aux médias dans leur travail de l’actualité. Il faut hiérarchiser l’information, la formater et alimenter les flux journalistiques en continu. Les médias de grande écoute ne sont pas construits pour rendre compte des problèmes chroniques du monde. Il faut dès lors apprendre à les instrumentaliser: si un pays pratiquant la torture fait l’actualité à un moment donné, les associations peuvent choisir d’attirer l’attention sur une situation de violation des droits humains.

Cette information pourra être reprise car elle offrira alors un éclairage particulier sur ce pays faisant à ce moment- là «la une». Dans cette perspective, des communiqués courts et ciblés sont sans doute une meilleure stratégie de communication que la publication d’épais mais illisibles rapports.

Stéphane Chmelewsky, diplomate et notamment ancien ambassadeur de France en Biélorussie, a démontré très efficacement que c’est par l’attention aux personnes, aux situations individuelles que l’on peut faire reculer la torture. En effet, la défense étatique des droits de l’homme, qu’elle soit multilatérale ou bilatérale, est prisonnière d’intérêts diplomatiques, économiques et peine à excéder le plan des principes. Or la force d’une organisation comme l’ACAT est d’agir au plus près des victimes, à bas bruit mais efficacement. Il nous exhorte à ne pas céder aux sirènes des dénonciations généralistes, il faut au contraire se cramponner aux situations individuelles car c’est là que peut naître la compassion.

Serge Portelli, magistrat, président de la Cour d’appel de Versailles, – qui a par ailleurs préfacé le dernier rapport de l’ACAT France, Un monde tortionnaire – nous interpelle sur le très lent désapprentissage de l’impunité. Car s’engager pour l’abolition de la torture, c’est aussi demander une certaine répression, policière et judiciaire. Or le taux d’élucidation des affaires de tortures est dérisoire: un cas sur cent… après une période de forte progression pourtant! Techniquement parlant, nous sommes démunis: il n’existe pas de statistiques, et les possibilités de poursuites judiciaires en cas de traitements inhumains et dégradants sont quasi inexistantes. Alors que, dans le même temps, la pratique de la torture s’est globalisée, industrialisée.

Cette disproportion écrasante entre la réalité de la torture et sa répression est telle qu’aujourd’hui la «stratégie de l’aveu» est payante: avouer son crime est déjà, au yeux de l’opinion, à mi-chemin du pardon et si l’on est certain de rester peu inquiété, l’aveu de complaisance devient une ligne politique rationnelle que suit de près la tentative de justification. On peut le constater au Chili, aux Etats-Unis. En quoi cette nouvelle donne est-elle préférable au silence de plomb?

Eric Sottas, juriste, ancien secrétaire général de l’Organisation mondiale pour l’abolition de la torture, a souligné qu’en matière de lutte contre la torture, les chiffres sont peu fiables et d’une utilité toute relative: si l’on met en place un système efficace de dénonciation et de répression de la torture, les cas vont faire surface puis de nouveaux acteurs vont se mobiliser et continuer le travail d’enquête, de révélation et d’éducation des consciences. Et les chiffres exploseront, alors même que la situation peut dans la réalité s’améliorer. A l’inverse, si l’on ignore le problème, on peut rester dans l’illusion statistique de l’absence de torture, simplement parce qu’on refuse de la voir.

Dans un monde globalisé, où les rapports de force se sont complexifiés, on ne peut que constater l’affaiblissement du système international de lutte contre la torture. Heureusement, des acteurs se sont construits localement, efficaces et vigilants. Ce sont sur eux qu’il faut s’appuyer. C’est dans ce contexte que l’ACAT a un rôle à jouer : forte de son identité confessionnelle assumée mais aussi de sa volonté de défendre toutes les victimes quelle que soit leur religion, l’ACAT pourrait ouvrir le dialogue avec le monde musulman pour aider à construire des expériences comparables.

Anne-Cécile Antoni, présidente de l’ACAT France de 2008 à 2010 et à l’initiative de la première Nuit des veilleurs en 2006, choisit de souligner le chemin parcouru dans la lutte contre la torture: en 2014, on compte 156 signataires de la Convention contre le torture avec l’adhésion de l’Erythrée le 25 septembre. On peut naturellement s’interroger sur l’impact de ces avancées juridiques et formelles.

L’évaluation est difficile. Néanmoins, des vies ont été sauvées et c’est une victoire qu’il ne faut pas amoindrir sous un excès de pessimisme. Aujourd’hui, il s’agit de s’interroger sur la direction à prendre pour éradiquer toute forme de torture. Pour cela, il faut s’attaquer à trois obstacles majeurs: les dysfonctionnements des systèmes judiciaires existants; l’opacité entourant les crimes de torture; l’impunité qui règne encore dans de trop nombreux pays. La création de la fondation ACAT en 2013 est une façon de répondre à ces défis. Elle a pour objet de financer des projets de recherches et d’enquêtes, ainsi que des programmes d’aide aux victimes.

A l’issue de ces interventions, François Picard, actuel président de l’ACAT France, a rappelé la vision des fondatrices de l’ACAT, vivifiée par l’Esprit. Nous devons rester dans notre engagement mais aussi dans l’espérance. Certes, le monde change mais nous savons aussi nous adapter aux nouveaux enjeux, c’est ainsi que la défense du droit d’asile a été ajouté aux missions de l’ACAT.

Cette rencontre anniversaire a également été marquée par la remise dupremier prix Engel-Dutertre de la fondation ACAT à Mutabar Tadjibayeva.

Cette militante des droits de l’homme a été emprisonnée et torturée en Ouzbékistan. Elle s’est ensuite réfugiée en France, où elle a fondé l’organisation «Club des Cœurs ardents» qui vient en aide aux prisonniers politiques dans son pays.

Cette belle journée de célébration, forte en symboles, en échanges et en réflexion s’est achevée sur une note plus légère, avec un concert de musique de chambre.

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