Ouzbekistan. Le «prédateur de la liberté de la presse» Islam Karimov s’accroche au pouvoir
Islam Karimov n’a même pas pris la peine de faire modifier la Constitution, qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels : au terme d’une parodie d’élection tenue le 29 mars 2015, il va entamer sans sourciller son quatrième mandat.
Les inconnues sur l’avenir du pays ne manquent pas, mais une chose est sûre: ce «prédateur de la liberté de la presse» âgé de 77 ans va continuer à censurer et régner d’une main de fer jusqu’à son dernier souffle.
«Un jour viendra où nos citoyens jouiront d’une liberté totale, de toutes les libertés individuelles et surtout, de la liberté de la presse», proclamait Islam Karimov lors d’un meeting électoral le 25 mars. Mais le jour promis n’est pas prêt d’arriver. Au pouvoir depuis 1989, le président ouzbek ne recule devant aucune méthode pour asseoir son implacable pouvoir et réduire au silence les voix critiques: emprisonnements arbitraires, internements forcés en hôpital psychiatrique, usage généralisé de la torture…
Les journalistes tentés de prendre au sérieux les professions de foi démocratiques d’Islam Karimov peuvent le payer très cher. Au moins neuf d’entre eux sont actuellement sous les verrous. L’espoir ne leur est guère permis: au moment même où il venait de purger sa peine, Mohammed Bekjanov, incarcéré depuis 1999, a été condamné in extremis à près de cinq ans d’emprisonnement supplémentaires en 2012.
Islam Karimov est omniprésent dans les médias, où il vante les «réalisations» du régime et prévient la population contre les «forces destructrices» qui menacent les «valeurs nationales». Quiconque s’aventurerait à gâter l’optimisme ambiant en contestant les enthousiasmantes statistiques officielles ou en menant de vraies enquêtes sur les problèmes sociaux, prendrait de sérieux risques. Pour avoir enquêté sur la catastrophe écologique de la mer d’Aral, le journaliste indépendant Solidjon Abdourakhmanov a été jugé coupable de «trafic de drogue» dans une affaire montée de toutes pièces et condamné à dix ans de réclusion criminelle en 2008. Comme la plupart de ses collègues emprisonnés, il est en mauvaise santé et son état s’aggrave.
Les sites d’information indépendants et d’opposition sont depuis longtemps inaccessibles en Ouzbékistan, mais le régime s’emploie désormais à colmater les brèches: multiplication des instances de surveillance des communications, mise au pas des opérateurs de téléphonie mobile, blocage des outils de contournement de la censure en ligne, cyberattaques répétées contre les sites critiques… Cynisme absolu ou gâtisme inquiétant?
Le vieux dictateur multiplie les proclamations en faveur d’un Internet libre. Mais les propos d’Islam Karimov ne sont pourtant pas toujours si déconnectés de la réalité : en juin 2012, il reconnaissait dans son adresse aux journalistes que «faire le choix de cette profession (…) demande du courage et de l’abnégation». On ne saurait mieux dire.
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