Portrait de Mutabar Tadjibayeva. «Si on me dit qu’il ne me reste qu’une journée à vivre, je la consacrerai à la lutte pour les droits humains»

Portrait de Mutabar Tadjibayeva, défenseure des droits humains ouzbek.

«Si on me dit qu’il ne me reste qu’une journée à vivre, je la consacrerai à la lutte pour les droits humains», nous dit Mutabar Tadjibayeva, présidente de l’association «Club des Cœurs Ardents».

Journaliste et militante ouzbek de 53 ans, elle est arrivée en France en tant que réfugiée politique en 2009. Dans son pays d’origine, dirigé depuis un quart de siècle par le dictateur Islam Karimov, elle n’est plus la bienvenue. En Ouzbékistan, Mutabar enquêtait sur le trafic de drogue, la corruption et les violations des droits humains : menaces, prison, tortures, viol , son combat contre le régime lui a coûté cher.

En 2002, alors que cette militante se bat pour faire connaître au grand public le cas d’Alimuhammad Mamadaliev, torturé et tué par des agents des services secrets, elle est emprisonnée quelques jours. En avril 2005, elle est enlevée par des agents des services secrets qui lui feront subir les pires atrocités. Ils ne seront pas inquiétés par la justice.

Mutabar n’abdique pas et continue son activité de militante et de journaliste jusqu’à son emprisonnement trois ans plus tard: le 7 octobre 2005, alors qu’elle se prépare à prendre l’avion vers Dublin pour participer à une conférence internationale sur les droits humains, elle est arrêtée par la police puis, au bout d’un an, condamnée à huit ans de prison, où elle y sera torturée. Accusée d’avoir mené des activités illégales contre l’État lors de manifestations qui ont fait plusieurs centaines de morts en mai 2005 à Andidjan, ville industrielle; il est clair pour Mutabar que son arrestation est purement politique. Elle est devenue l’une des nombreuses victimes des répressions lancées par les autorités suite à ces événements.

«Je sais bien ce qu’est la prison en Ouzbékistan et les tortures, voici pourquoi j’ai décidé de consacrer ma vie à la lutte contre les violations des droits humains. Quand j’étais en prison, je rêvais qu’un jour, je serais libre. Je disais aux gardiens de prison que je sortirai d’ici et que j’écrirai un livre sur ce que j’ai vécu», se souvient-elle.

Le 15 mai 2008, alors qu’elle est encore en prison, la fondation Martin Ennals lui décerne son prix pour la défense des droits humains. Elle est libérée quelques mois plus tard et le 10 décembre, Mutabar vient à Paris pour recevoir le prix «Liberté, Égalité, Fraternité» décerné au «Club des Cœurs Ardents» par la République Française. Interdite en Ouzbékistan depuis bientôt dix ans, cette organisation s’est exilée en France en 2011 et fête cette année ses 15 ans d’existence. Chaque jour, des dizaines de personnes s’adressent à elle pour demander de l’aide: elle cherche des avocats, du financement, prépare des rapports mais aussi des plaintes individuelles qu’elle dépose à l’ONU.

Mutabar veut, malgré le peu de moyens dont elle dispose et une santé affaiblie suite aux tortures, venir en aide à ceux qui se sont retrouvés dans la même situation qu’elle il y a dix ans. Son souhait est que les défenseurs des droits humains s’intéressent davantage à la situation en Ouzbékistan. Mutabar Tadjibayeva a bénéficié du soutien de la FIDH et son organisation est aujourd’hui membre de la FIDH.

« C’est grâce au soutien de la FIDH que j’ai pu tenir ma promesse: écrire mon livre « La Prisonnière de l’Île de la Torture». J’ai travaillé avec une journaliste ouzbek à qui je racontais mon histoire. C’est grâce à ces enregistrements que j’ai pu travailler sur mon récit. Sinon, psychologiquement c’était trop dur», se rappelle Mutabar. Dans ce livre publié en ouzbek, russe, français et anglais, elle partage ses souvenirs de prison et dénonce la cruauté du régime.

Pour Mutabar, le défi n’est pas le départ de Karimov mais bien le changement du régime. «Son départ peut engendrer une guerre des clans. Le pays est corrompu, aucune loi n’est respectée. Le fait qu’on tue les gens dans les prisons, qu’on les torture, ce n’est pas que la faute du dictateur Karimov, c’est aussi la faute des politiciens qui soutiennent ce régime. Je veux que l’Ouzbékistan devienne un pays démocratique et que les dissidents comme moi puissent retourner y vivre», martèle-t-elle. Mais aux yeux de Mutabar, le retour au pays est loin d’être possible.

Le 29 mars Islam Karimov se présentera pour la quatrième fois aux élections présidentielles, violant ainsi l’article 90 de la Constitution qui n’autorise pas plus de deux mandats. Mutabar Tadjibayeva et ses collègues ont lancé une commission électorale virtuelle pour organiser le vote sur internet. Cette plateforme alternative a refusé d’enregistrer la candidature de l’actuel président.

«Quand j’ai décidé de venir en France comme réfugiée politique, je craignais de ne rien pouvoir faire pour mon pays à distance. Maintenant je vois que si l’on est motivée et soutenue, tout est possible», conclue-t-elle.

«Si on me dit qu’il ne me reste qu’une journée à vivre, je la consacrerai à la lutte pour les droits humains»

If I were told that I only have one day left to live, I would spend it fighting for human rights

“Si me dijesen que no me queda más que un día de vida, lo dedicaría a luchar por los derechos humanos”

Если бы мне остался всего один день жизни, я посвятила бы его борьбе за права человека

«اگر بگویند یک روز از زندگی ات باقی است، آن را برای مبارزه در راه حقوق بشر خواهم گذراند»

إذا قيل لي إن الباقي من عمري هو يوم واحد فقط فسوف أكرسه للنضال من أجل حقوق الإنسان

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