Centre Primo Levi: Vivre après la torture

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Le 10 Décembre est la date du 68 ième anniversaire de la Déclaration Universelle des droits de l’homme et en même temps c’est le 32 ième anniversaire de la Convention des Nations Unies contre la torture. Aujourd’hui, nous avons l’occasion de  rencontrer la directrice du centre de soins Primo Levi, Mme Sibel Agrali, qui travaille  avec des personnes victimes de torture et de violence politique.

Pourriez-vous nous raconter la mission du centre Primo Levi?

Le centre Primo Levi est un lieu de soins avant tout,  de soutien aux personnes victimes de torture et de violence politique. On accueille des personnes qui par leur passé dans leur pays d’origine ont vécu des violences et des persécutions directes ou indirectes; des membres de la famille peuvent aussi  potentionellement être patients du centre parce qu’on sait que l’environnement familial est également impacté  par les violences vécues par l’un des leurs.

Primo Levi est avant tout  un centre de soins mais  il a en même temps un projet associatif. On fait beaucoup de formations auprès des professionels de santé et des travailleurs sociaux, on offre un soutien juridique auprès des associations, auprès des lieux d’accueil de demandeurs d’asile ou auprès du personnel de foyers. Nous travaillons également  avec des bénévoles oeuvrant dans des associations qui se trouvent en difficulté par rapport aux souffrances qu’ils rencontrent  chez les personnes qu’ils ont à aider. On fait des formations en France et  à l’étranger.  En dehors de la formation, on fait aussi beaucoup d’action politique. On témoigne de ce que les patients nous laissent entendre de ce qu’ils vivent ici en France. On essaie aussi de dénoncer en France le mauvais accueil, le non-accueil, l’accueil indigne, l’inhospitalité organisée comme dit le chercheur Eric Fassin.

Effectivement, on accueille très très mal les demandeurs d’asile et on sait que cela a un impact très important sur les personnes exilées et qui ne ressentent pas un accueil réel, qui n’ont pas accès à un statut stable qui reconnaitrait la ligimité de leur présence en France. C’est très difficile de se sentir reconnu et crû par rapport à ce qui a été vécu. Cette reconaissance doit effectivement arriver pour que les personnes puissent se projeter dans un avenir ici, en France. Donc on essaie d’agir sur plusieurs niveaux. L’association gère un centre de soins, gère un centre de formation et  fait aussi de l’action politique. Nous dénonçons également l’absence de soins adaptés en France, pour les personnes victimes de  torture. Le système de santé publique ne répond pas aux besoins de ces personnes : il n’y a pas d’interprète dans les structures de soins, il n’y a pas de formation auprès des médecins et des psychologues pour les sensibiliser aux  problèmes de besoins de ces personnes. C’est un projet global au sein duquel il y a un centre de soins important, mais notre centre de soins n’est pas un cas isolé. Il existe depuis plus de vingt ans maintenant, mais  il y a beaucoup de centres de soins à travers l’Europe qui font le travail que nous faisons parce qu’il y a une réelle prise de conscience et prise en compte des besoins des exilés, en terme de santé et santé mentale.

Quels sont les pays avec lesquels vous avez un partenariat et pour qui vous organisez des formations?

On avait des liens avec des personnes qui étaient en train de monter un centre au Liban. Ils nous ont contactés pour proposer une formation à l’équipe qui allait se mettre en place dans cette structure de soins. Par ailleurs, nous avions été contactés pour former des personnes travaillant dans les écoles en Tchétchénie afin de les sensibiliser aux effets des psychotraumatismes.

Qu’est-ce qu’un traumatisme peut entraîner chez les enfants et comment aider ces enfants dans un cadre scolaire pour aller mieux? On a été amené à aider les équipes algériennes, à l’époque où l’Algérie vivait les années noires du terrorisme et de la torture. On a échangé avec elles, on les a formées à la prise en compte des effets de violence extrême. On a été aussi amené à sensibiliser des personnes en République Démocratique du Congo, par exemple, à écouter les femmes qui ont été victimes de violences sexuelles à  échelle massive, comment sans avoir une formation particulière, être une écoutante qui aide l’autre réellement. Ne pas être happé par ce qui est raconté et être néanmoins dans une posture professionnelle,  pour entendre la détresse et la souffrance chez l’autre.

Comment les personnes sont-elles  orientées vers le centre Primo Levi?

Les gens sont pour la moitié, orientés par des partenaires, des associations, des institutions, d’autres lieux de soins ou encore, des associations qui font un premier accueil de soutien aux demandeurs d’asile ou des foyers d’hébergement. On est assez bien connu maintenant, on est  bien identifié  dans notre spécificité. Pour l’autre moitié, ce sont des personnes qui viennent d’elles-mêmes parce qu’elles ont eu l’information par le bouche à oreille, par les communautés, par des anciens patients ou par des patients actuels qui parlent de nous. Les gens peuvent venir demander des soins.

La plupart des personnes qui viennent vers vous, sont de quels pays du monde?

On publie des rapports annuels de notre activité. Une cinquantaite de nationalités y sont representées chaque année. En 21 ans maintenant,  on a dû recevoir des gens originaires du 90 à 100 pays différents. Les personnes arrivent de là où il y a eu des conflits, des guerres ou des dictatures. Les exilés viennent absolument de toute part et, pendant ces dernières années, on a une présence très importante des pays de l’Afrique Subsaharienne, notamment de la République Démocratique du Congo et de Guinée Conakry mais aussi de l’Erythrée, de l’Ethiopie, du Soudan et par ailleurs,  beaucoup de familles de Tchétchènie, de Géorgie, d’Arménie, du Kyrgistan, d’Ouzbékistan, du Sri-Lanka, du Bangladesh, du Pakistan, de l’Iran, etc…

Est-ce que vous faites  appel aux interprètes?

On a une équipe médico-psycho-kiné-socio-juridique, c’est une équipe pluridisciplinaire et évidemment, depuis toujours, on sollicite des interprètes pour les langues qu’on ne maitrise pas ou qu’on ne maitrise que très peu. Même s’ il y a certains cliniciens qui sont bilingues,  on fait appel à un très grand nombre d’interprètes d’Interservices migrants pour les autres langues les plus demandées. Les interprètes qui viennent chez nous, restent des demi-journées et on essaie d’organiser les rendez-vous médico-psychosociaux en conséquence, autour des besoins.

Quel est votre sentiment sur la question de la torture dans le monde? 

La torture est une façon de détruire l’autre sans le tuer. C’est une façon de dominer l’autre, de toucher à son integrité physique et psychique. C’est une façon d’anéantir l’autre en l’humiliant, en detruisant ses repères. Contrairement à ce qu’on pense, ce n’est pas une pratique pour faire parler.  Et cela a des effets multiples, pas seulement sur sa personne mais sur sa communauté, sa famille et sur la société. C’est un moyen de terroriser l’autre, moyen qui devient plus en plus sophistiqué. Sans laisser de traces, on arrive à détruire l’homme dans son humanité par des méthodes qui peuvent être parfois très sophistiquées , ça peut être très brutal.

Vous dîtes que les moyens de torture deviennent sophistiqués. A votre avis, la pratique de la torture augmente?

Je ne peux pas dire ça. Tous les pays sont tellement différents, les situations sont tellement différentes. La torture est toujours horrible mais on se rend compte qu’on n’a pas besoin d’être brutalisé physiquement pour être torturé. Le fait d’être témoin de torture sur d’autres personnes est déjà une torture et cela génère des images qui peuvent vous hanter très très longtemps alors que vous n’êtes pas personnellement « touché » en terme d’impact physique.

Pourriez-vous parler d’autres organisations en Europe et en France qui travaillent avec les personnes victimes de torture?

Le mouvement, l’émergence d’un centre de soins pour les  personnes victimes de torture a commencé il y a plus de 30 ans, peu de temps après que les colonels en Grèce aient été jugés. Il y a eu beaucoup de mouvement, Amnesty International s’est beaucoup mobilisé autour de ces procès. Il y a eu énormément de témoignages de victimes à l’époque. L’Amnesty International s’est dit qu’il fallait  proposer quelques choses à ces personnes qui avaient été torturées. Au retour  des participants  d’Amnesty qui avaient assisté à ces procès est née l’idée de créer des groupes de réflexion  parce qu’au siège d’Amnesty International, il y avait déjà des commisions médicales. Justement, il fallait  essayer de réfléchir à la question, comment s’opposer à la torture, comment s’opposer à l’implication de médecins dans la torture.

C’est donc au sein de ces commisions médicales et notammenet au sein de celles d’Amnesty International au Danemark qu’est né un des premiers centre  de soins pour les victimes de torture. Peu de temps  après, a été créé un centre à Paris. Puis, d’autres centres ont vu le jour à travers l’Europe. A chaque fois, ils se sont consitués sur le mode prise en charge médicale et psychosociale. Le mouvement a pris de l’ampleur, de plus en plus de personnes se sont imliquées. Mais que deviennent les personnes une fois qu’elles quittent les prisons, une fois qu’elles retournent dans leur famille? Que proposer à ces personnes? C’est ainsi qu’ est né l’idée qu’il fallait soutenir les personnes victimes de torture.

Peu à peu, en Allemagne, dans les pays scandinaves,  un peu moins au début à l’Est de l’Europe, il y a des centres de soins qui se sont créés, ils sont plutôt sur le mode associatif mais il y en a certains qui ont été intégrés comme dispositifs  de consultations  dans les systèmes de santé publique du pays. Je crois qu’au Danemark, en Norvège et en Suède,  il y a des consultations à l’hôpital pour les personnes victimes de torture, ouvertes aux refugiés qui en ont le statut. En revanche, en  France, en Allemagne et dans d’autres pays, on  reçoit tout le monde, on estime qu’il n’y a pas besoin d’être statutaire pour bénéficier de soins.

Aujourd’hui, c’est un movement mondial. De plus en plus de centres de soins s’ouvrent pour les personnes victimes de torture. Beaucoup de ces lieux en Europe travaillent avec un interprète, intégré à l’équipe ou alors comme nous, sur prestations.  Il y a habituellement une rencontre annuelle des centres de soins européens, elle existe maintenant depuis 12 ans.  Sur le lieu de ce centre danois, qui est devenu par la suite le centre de soins, il y a eu la création d’un Conseil International pour la Réhabilitation des personnes Victimes de Torture IRCT (International Rehabilitation Council for Torture Victims ) qui est devenu un lieu de ressources pour beaucoup de centres et qui soutient beaucoup d’initiatives pour la création d’autres centres, notamment en dehors de l’Europe.  Vous pouvez trouver sur leur site, tous les lieux qui ont été identifiés, les centres de soins en Europe et à travers le monde  qui sont en capacité d’accueillir pour des soins, des personnes exilés et victimes de torture.

C’est important de ne pas se sentir seul dans ce type de travail. Nous ne sommes pas très nombreux à faire ce que nous faisons. Nous sommes dans un pays démocratique qui rend ça tout à fait possible. Il y a aussi d’autres centres en France, à Strasbourg, à Marseille, à Lyon et à Bordeaux. Mais encore aujourd’hui, il y a des pays où cela demande du courage de recevoir des patients victimes de torture.

Pensez-vous que les personnes victimes de torture peuvent oublier (guérir) les horreurs qu’elles ont vécus?

Non, on n’a absolument pas la prétention de guérir les personnes victimes de torture. Je pense qu’on  ne guérit pas et qu’on ne peut pas oublier non plus.  Ce qu’on observe souvent c’est que ce passé est constamment présent.  La personne victime n’arrive pas à  bien vivre  le temps présent: perturbation du sommeil, flashback, reviviscences déclenchées par un geste, une odeur. Elle est constamment en train de vivre et revivre la même chose. L’idée est d’aider la personne à contrôler plus ou moins les évènements vécus pour qu’ils puissent devenir des souvenirs , l’aider à s’en distancier  pour pouvoir vivre autre chose. Ce qui est accolé au nom de notre centre c’est Vivre après la torture. On pense que c’est possible. Guérir n’est pas possible mais on peut gagner en mieux être.

Ce lien de l’IRCT  (Intrentional Rehbiilitation Council for torture Victims) permet d’accéder à l’ensemble de centre de soins répertoriés pour les personnes victimes de torture à travers le monde.

 

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One Response to Centre Primo Levi: Vivre après la torture

  1. yilmaz dit :

    bonjour
    jai vraiment des probleme de piskolojie car je suis rester en prisons de la turquie et j ai ete torturer. je me sans pas tres bien j ai peux je pense on me suis et ont veux me reprendre pour la prison . je prefaireous m ai mourir au lieux di returnee slv je me sans perdu, j aimerais que vous aides. je suisd origine kurde et de nationnalite turque malheureusement je suis en train de perdre la tete aides moi je suis perdu et je ne sait pas quoid faire, not je ne parle pas le francais mais le turque ou le kurde.
    merci de me contakter le plus vite posible j abite a strasbourg je suis en plein dificultee. si vous avais des contact a strabourg je serai bien tres content qu on aide le plus vite posible.

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