Pourquoi un tel engouement pour le FIFDH

Le Festival du film et forum international des droits humains, qui se termine dimanche soir, a battu tous les records. Il n’y a jamais eu autant de jeunes.

C’est bientôt au tour d’Ivan Pictet, l’âme de la banque privée genevoise, de monter brièvement sur l’estrade. Un peu nerveux, il se tourne vers ses proches: «Vont-ils me lancer des tomates?» Dans l’assistance, Wafa, qui a recouvert sa tête d’un foulard, a d’autres préoccupations: «J’ai peur qu’il y ait des caméras dans la salle et qu’on puisse me reconnaître», glisse-t-elle au même moment.

Wafa a réussi à s’échapper il y a quelques semaines à peine de l’enfer, mais une partie de sa famille est restée en Syrie. Pour elle, les images qui vont suivre lors du Festival du film et forum international des droits humains (FIFDH) sont un air connu.

Ivan Pictet n’a pas reçu de tomates, malgré la présence d’une foule engagée. Et Wafa, retournant dans son petit appartement après la projection n’a eu qu’un regret: ne pas avoir amené ses enfants dans cette salle de cinéma pleine à craquer: «Ils auraient pu se rendre compte qu’ici, on se préoccupe de notre cause.»

Plus que jamais, dans un festival qui a pourtant aligné les succès depuis sa naissance il y a onze ans, les organisateurs sont presque abasourdis devant l’enthousiasme que provoque l’événement auprès du public. Films et débats devraient avoir réuni d’ici à dimanche soir quelque 23 000 spectateurs, contre 21 000 pour l’édition précédente. Jeudi soir, alors que ceux qui avaient choisi la soirée consacrée à la Syrie patientaient par dizaines sur le trottoir devant l’Auditoire Arditi, il fallait «quadrupler» le nombre de salles initialement prévu pour la Chine, tant l’assistance était nombreuse.

«Mais c’est surtout la qualité de l’audience qui est incroyable, s’emballe Leo Kaneman, le directeur du festival. Il n’y a jamais eu autant de jeunes, et l’attention n’a jamais été aussi soutenue. Nous comblons un réel besoin au sein des nouvelles générations qui sont à la recherche d’un sens. Croyez-moi, ces jeunes semblent assoupis, mais ils ne vont pas tarder à se réveiller.»

L’éclosion du Printemps arabe et ses multiples conséquences; la répression en Birmanie; les portes que s’acharnent à ouvrir les dissidents chinois… Mais aussi la thématique des drones ou des multinationales…

La question des droits de l’homme est devenue le prisme par lequel s’interprètent désormais les relations internationales. C’est aussi un enjeu de première importance. En marge du festival, les autorités ouzbèkes ont tenté de faire taire la dissidente Mutabar Tadjibayeva qui assistait à un débat, en portant plainte auprès de la police genevoise.

Le Maroc a organisé au débotté sa propre projection dans une salle attenante pour faire pièce à un film consacré à la réalité tragique du Sahara occidental, qui avait reçu l’appui retentissant de l’acteur Javier Bardem. Des proches du régime syrien choisissaient précisément le jour de la diffusion des films pour organiser, eux aussi, leur propre événement au Palais des Nations. Ils ont dû attendre le lendemain pour être reçus par l’ex-procureure suisse Carla Del Ponte, qui est membre d’une commission d’enquête de l’ONU sur ce pays. Jeudi, elle était occupée: elle participait au débat qui a suivi la projection des films.

«Pour nous, c’est une découverte», glisse Tatjana Darany, secrétaire générale de la Fondation pour Genève, que préside Ivan Pictet, et qui s’est associée pour la première fois à un festival qu’elle percevait jusqu’ici comme «plutôt alternatif». «En tant que Genevois, nous avons la responsabilité de participer à la promotion des droits humains», juge-t-elle. Les ambassadeurs étrangers conviés par la Fondation garnissaient les rangs des invités. Souvent, ils étaient venus avec leurs enfants.

«Les films sont à nos yeux des outils très importants des thématiques qui nous sont chères. Ils peuvent vous marquer à vie», commente pour sa part Gerald Staberock, secrétaire général de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT), qui décerne son propre prix lors du festival. Cette année, un film sur le Sri Lanka a également été diffusé au Palais des Nations. «Cela crée des synergies de plus en plus intéressantes entre l’ONU et la société civile», souligne-t-il.

En attendant le palmarès, Leo Kaneman a choisi une phrase comme emblème de cette édition. Elle a été prononcée par l’opposante syrienne Fadwa Suleiman devant un public saisi: «A chacune de nos respirations, des hommes, des femmes et des enfants sont en train de mourir dans mon pays.»

Pour certains, ce festival était perçu jusqu’ici comme «plutôt alternatif»

Pourquoi un tel engouement pour le FIFDH

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