Le Prix Martin Ennals sort une militante ouzbek de prison
21 novembre 08 – GENEVE – Le prestigieux Prix Martin Ennals pour les défenseurs des droits de l’homme a été décerné à Mutabar Tadjibayeva, une journaliste ouzbek condamnée à huit ans de prison pour avoir critiqué la répression des manifestations d’Andijan.
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Car c’est probablement ce prix qui a sorti cette journaliste et présidente de l’ONG « Fiery Hearts Club » (« Club des Coeurs Ardents ») de la prison de Tachkent. Elle purgeait une peine de huit ans de réclusion. Là, elle a subi des opérations chirurgicales contre son gré et passé 100 jours dans la « cellule de punition ».
«Le 15 mai passé, nous annoncions que Mme Tadjibayeva était lauréate. Dix-sept jours plus tard, elle était libre, précise Hans Thoolen, président de la Fondation Martin Ennals. Nous espérons que ce prix aura le plus large impact possible en Ouzbékistan et qu’à son retour elle y sera plus en sécurité qu’avant.»
Le massacre d’Andijan est l’un des chapitres les plus noirs de l’histoire de l’Ouzbékistan post-soviétique. Le 13 mai 2005, des hommes armés attaquent des bâtiments officiels à Andijan, une ville située dans la turbulente vallée Ferghana, près de la frontière kirghize. Ils donnent assaut à la prison pour libérer plusieurs centaines de détenus, dont des hommes d’affaires accusés de terrorisme islamiste. Des milliers de personnes profitent du chaos pour manifester leur mécontentement vis-à-vis du gouvernement, qui riposte en tuant des centaines de civils innocents.
Mutabar Tadjibayeva, qui avait dénoncé la brutalité de la répression, est arrêtée et assignée à résidence. Par la suite, alors qu’elle s’apprêtait à participer à une réunion organisée à Dublin par Front Line – l’une des dix ONG membres du jury du Prix Martin Ennals – elle sera condamnée à la prison ferme.
Des procès mascarade
«Un mois avant les évènements, j’avais prévenu le gouvernement du mécontentement de la population», explique la lauréate. Les procès qui suivront seront une mascarade, comme l’écrit de son rouge à lèvre Mme Tadjibaeva pendant son procès. Elle dénonce l’absence d’indépendance de la justice et des jugements tellement prévisibles qu’ils pourraient être faits par des programmes informatiques.
«Dans mon pays, on dit que les fleurs annoncent le printemps, continue Mme Tadjibayeva. J’espère que ce prix est le signe qu’un jour, nous serons libres. Car il ne faut pas se leurrer, la situation en Ouzbékistan ne s’est pas améliorée: après le massacre d’Andijan, le gouvernement a renforcé la répression contre les activistes et les journalistes. Beaucoup ont été arrêtés, d’autres ont fui le pays.»
Retour au pays
Que va-t-il se passer à son retour? «Ce prix, et celui que je m’apprête à recevoir du gouvernement français, devraient servir de boucliers pour moi et les autres défenseurs des libertés» espère Mme Tadjibayeva. De même, la reprise du dialogue entre Tachkent et Bruxelles, interrompu à cause des sanctions imposées par l’Union européenne après le massacre d’Andijan.
D’autres mesures de protection, plus diplomatiques, sont aussi prévues. “Depuis cette année, le pays qui préside l’Union européenne organise une réception pour le lauréat du Prix Martin Ennals, dans sa patrie et en présence des autorités locale, explique Hans Thoolen. L’Ambassadeur de France à Tachkent m’a déjà assuré qu’il allait le faire.»
Les petits fours risquent d’être amers pour les autorités ouzbeks qui s’apprêtent, de surcroît, à subir l’Examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’homme à Genève. Malgré tout, l’Ouzbékistan va célébrer en grande pompe le 60ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. «Ce sera une excellente occasion pour pousser le gouvernement à libérer d’autres prisonniers de conscience», espère Mme Tadjibayeva.
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